Le stand des éditeurs de Lorraine ; derrière la table, Bernard Fournier (MARCHES III) et Danièle Corre dédicacent leurs recueils..
Alain Gnemmi, le président de l'association , en grande conversation avec le poète James Sacré
A propos de Louise Michel
L’anniversaire de la mort de Frantz Fanon (1961) est aussi l’occasion de découvrir aux éditions D’Ores et déjà un discours de Louise Michel, qui
rencontra Victor Hugo en 1821, avant d’être déportée en Nouvelle-Calédonie à quarante-trois ans. On note la sortie sur les écrans – dans les salles de l’Union des Grands Capitalistes UGC -
du film L’ordre et la morale de Mathieu Kassowitz, à propos des révoltés, preneurs d’otages de la grotte d’Ouvéa qui se débrouillèrent seuls (14 morts après quatre assassinats de gendarmes)
sans la participation de Jean-Marie Djibaou au cours de cette crise / un « assaut programmé avec la connivence de son médiateur » / – le leaqder du FLK est seulement nommé dans le générique
de fin -.
Prise de possession
Louise Michel, éditions d’Ores et Déjà.
Louise Michel avait un talent d’orateur et de poète, propre à convaincre - et à soulever littéralement de terre -, tous les gueux : misérables, prolétaires, paysans, ceux
que Michelet appelait le peuple déshérité du monde. Ceux qu’elle mobilise et rejoint en tant que porte parole par un " nous" unanimiste :
« Nous savons notre but : c’est la délivrance de tous, nous le voulons et nous l’oserons… » .
Ce n’est pas un hasard si les qualificatifs christiques fleurissent pour parler de « la Vierge rouge » Louise Michel qui est, au siècle de la révolution industrielle – si
peu romantique -, une des seules femmes à porter avec George Sand le costume masculin.
Elle représente les convictions politiques modernes, les idéaux des utopistes socialistes de la Commune de 1870, Avec son chant, les exclus, les dépossédés se révoltent -
doivent encore aujourd’hui se révolter – dépaver les rues, dresser des barricades – pourquoi pas dans la rue St Jean ou au Point Central ? -.
« Le pouvoir est mort, s’étant, comme les scorpions, tué lui-même ; le capital est une fiction, puisque sans le travail il ne peut exister. »
Louise Michel se moquait des lois bourgeoises qu’elle eut à subir, elle fut plusieurs fois arrêtée avant sa relégation en Kanaky où elle resta seule à soutenir une insurrection
indigène – son chef Ataï -, puis à nouveau surveillée par la police de l’empire et de la république pendant les trente dernières années de sa vie :
« Peut-on encore parler du suffrage universel sans rire ? Tous sont obligés
de reconnaître que c’est une mauvaise arme ; que, du reste, le pouvoir en tient le manche… »
La conférence – très écrite – qu’elle donne en mars 1882 à Paris constitue un document inédit qui révèle Louise Michel, institutrice des enfants de déportés en Mélanésie.
Anarchiste dans la moelle, et bourrée de talent, elle annonce les temps prochains, la « catastrophe » / terme dramaturgique / de la condition humaine – pas une ruée vers Laure - où
les biens cesseront d’appartenir à ceux qui en profitent à l’abri d’un gouvernement, et où les patrons aussi se libéreront – d’eux-mêmes -.. Ces crasses ! Elle entend
réconcilier l’humanité dans un monde précaire, en premier lieu, les hommes avec leur liberté et leurs droits.
Le procès social doit se régler avant notre disparition dans le cosmos ; il faut faire un mauvais sort à l’argent, il faut, comme le dirait aujourd’hui le curé Meslier
pendre « les nobles – les nouveaux aristocrates – avec les tripes du clergé, des évêques et du pape ».
Louise Michel vaut la peine d’être découverte, car elle "détruit" la notion du travail aliénant. Elle se méfie des hommes politiques de droite comme de gauche, ne croyant
pas que l’arrivée de socialistes ( !) au pouvoir – à la présidentielle – résoudra miraculeusement les problèmes économiques du pays, de la nation gauloise, de l’Europe, des Etats
corrompus en Afrique, au Pakistan, en Cisjordanie…. Elle donne comme exemple des leaders représentatifs qui ont répondu à la misère des peuples, Abraham Lincoln, Vercingétorix, ou d’autres
moins célèbres – Sophie Grant condamnée à la prison, , le pirate Doï-van condamné à mort au Tonkin - , mais seulement parce qu’il faut donner des exemples historiques pour cautionner
son discours…… En comparaison, le manifeste Syris 10/18 contre le travail et l’Europe économique paraît un pastiche des appels au meurtre prolétariens.
«Le communisme commence à se dessiner, personne ne possède en propre le soleil qui l’éclaire, l’océan qu’il parcourt… »
Embrassant l’univers dans un panorama de l’Histoire et des civilisations qui ont incubé toutes les révolutions, Louise Michel cite fréquemment le poète américain Whitman, se
montre géniale dans son sens de la formule (« Notre république a des rois par milliers… Ce qui pourrait s’appeler « respublica » ce serait la chose de tous, l’humanité libre sur le
monde libre »)
Féministe cultivée, elle en aurait appris, elle en aurait à enseigner aujourd’hui encore, à tous les incultes de la Toile qui rédigent leur blog abondamment illustré,
paresseusement illustré.
Elle aurait encore à couvrir des salons d’excréments, les miroirs à dorures, elle pourrait ripoliner d’excréments la façade des ministères nationaux sans susciter la moindre
indignation de la part de l’intelligentsia parisienne, qui se complaît dans son autosuffisance, qui se gargarise de mots, qui sniffe des rails de coke sur un guéridon. Tant elle est veule. Les
vedettes BHL et autres sont outrecuidants et bien capables de plier les œuvres complètes de Louise Michel pour en faire des cocottes en papier. Sans oublier les "spécialistes" du CNRS, de
Sade et autres Unités d’enseignement – ou de valeurs - qui se gargarisent avec bonne conscience, et se regardent devant la glace… sans rire.
Louise Michel accumulait les savoirs au service de l’action : thésaurus vivant, curieuse des plantes endémiques en Mélanésie, des mœurs - et des enfants surtout
- qu’elle éduquait le dimanche. En matière d’instruction, personne ne pouvait lui donner de conseils. Elle se « gérait », autodidacte, indépendante. .
Il faut trois rédacteurs Robert Kurz, Ernst Lohoff et Norbert Trenkle pour poursuivre, quatrième de couverture « l’économie d’une critique radicale de l’idéologie du
travail …- que de compléments de noms ! - Autrement dit, il ne s’agit pas de libérer le travail, mais de se libérer du travail. »
La conférence de Louise Michel prononcée en 1883 est un modèle de rhétorique révolutionnaire, un bâton de dynamite – et non un bâton d’encens qui se consume pour remplacer
un désodorisant, repérable par un détecteur de fumée – ou un ersatz – qu’on trouverait dans une supérette. Les images métrées qu’elle ajuste parlent – dans notre « chambre intérieure » -, elles
sont de portée universelle. C’est un matelas miné, un parquet dissimulant des mines anti personnelles. Les lycéens devraient découvrir à leur tour ce texte, reconnaître les décasyllabes, la
mitaine de la versificatrice, le col roulé de Victor Hugo.
Malheureusement peu d’enseignants connaissent Louise Michel, ils préfèrent lire le groupe Krisis ! Leurs sous-vêtements sont des Damard.
« Ses vêtements ôtés laissent à découvert les blessures qu’il a reçues dans la lutte contre les occupants de son pays, il lui
faut subir le frottement sur son cou de la main du bourreau et les trois coups de gong qui prolongent son agonie »…
écrit Louise Michel à propos de Doï-Van, leader révolutionnaire au Tonkin. La veine de Louis Michel complètement inspirée est épique, elle n’a
rien de ce qu’on aurait pu craindre, tous les défauts de la fée Carabosse, le sentimentalisme, le scoutisme, le manuel de survie du libertaire dans la société de consommation.
Louise Michel, c’est quand même autre chose que, moins stylés, moins polis, le manifeste Krisis et ce genre de phrase :
«Ne courbons plus l’échine sous le joug des marchés de l’emploi et de la gestion démocratique de la crise ! La condition en est que de nouvelles formes d’organisations
sociales (associations libres, conseils) contrôlent les conditions de la reproduction à l’échelle de toute la société. »
A ceux qui sont tentés par l’adultère avec les socialistes et qui lisent les romans de Douglas Kennedy, je ne résiste pas à l’envie de recopier les dernières
phrases de Louise Michel. La préface de Prise de possession ne précise pas quelles furent les réactions de l’auditoire de Louise Michel en 1883.
Signa-t-elle des autographes ? Parmi son public, y avait-il quelqu’un pour l’enregistrer sur un Nagra de l’époque ? La Nouvelle-Calédonie en 2014 devra choisir son destin…
« Personne au monde ne peut rien pour dénouer la situations présente.
Les urnes ont assez vomi de misères et de hontes.
Au vent les urnes, place à la Sociale !
Le monde à l’humanité !
Le progrès sans fin et sans bornes !
L’égalité, l’harmonie universelle pour les hommes comme pour tout ce qui existe ! »
Esprit libre, Louise Michel avait donc fait ainsi l’apprentissage de la liberté.
Christian Samson
Extrait
« Quoi
qu’on en dise,
on
se promène toujours un peu
sur
les chemins du langage :
roses
encore plus roses
dans
leurs noms de divas,
fleurettes
drapées dans leur latin,
et
colvert en col blanc. »
Jardins publics, à la fois jardin des plantes et zoo familier, espace de jeux et de promenade, où se côtoient tant de promeneurs qui ont un point commun : s'y trouver.
Patricia Castex Menier y promène son regard aigu, à la fois malicieux et attendri.
Et sa plume vive.
Patricia CASTEX MENIER
Née à Paris en 1956, où elle réside et enseigne toujours.
Entre vie familiale et professionnelle, un itinéraire d’écriture volé au temps.
Le poème, aux racines toujours concrètes et quotidiennes, tente d’établir le lien
avec ce que nous dit le monde, et la résonance en écho des expériences communes.
L’édition, au fil des années, est aussi un cheminement, affaire exigeante de rencontre
et d’amitié, étapes d’un second travail de rigueur à partager.
Poésie :
Chez Cheyne éditeur, Le Chambon-sur-Lignon :
Questions de lieu, 1985
Chemin d’Eveil, 1988.
Infiniment demeure, 1992.
Ce que me dit l’ensevelie, 2001.
Bouge tranquille, 2004.
X fois la nuit, 2006.
Roman :
Aux éditions La Dragonne, Nancy :
L’éloignée, 2001.
Dernières parutions :
Poésie : Aux éditions Ficelle, Vincent Rougier, Soligny la Trappe
Achill Island, moutons et cetera, 2006
Révisions, 2009
Livres d’artiste, tirage limité :
Chez Sarah Viame, Céphélides : Entrepas (avec W.lambersy), 2006
Chez Maria Desmée, collection « les révélés »: Interstices, 2007
Théâtre, pièce pour enfants :
Aux éditions Ficelle, Soligny la Trappe :
Avec Werner Lambersy, Le Roi Berdagot, 2005.
Entretiens
Aux éditions Parole d’aubes , Grigny :
Avec Pierre Dhainaut, A travers les commencements ,1999.
Présence en anthologies
La vraie jeune poésie, La Pibole, Paris, 198O.
Panorama de la poésie française contemporaine, Moebius, Triptique, Montréal, 1991.
Poèmes de femmes des origines à nos jours, Régine Deforges, Le Cherche Midi, Paris, 1993.
Das Fest des Lebens, Poètes français contemporains,(édition bilingue français-allemand)
R.Fischer, Verlag im Wald, I993..
Mars Poetica, Poètes croates et français, (édition bilingue),
Skud, Zagreb et Le Temps des cerises, Paris, 2003.
La poésie française contemporaine, J.Orizet, Le Cherche Midi, Paris, 2004.
Participations
Printemps des poètes, Paris, 2002 ; Paris et Zagreb,2003 ; Paris, 2004.
Semaine de la poésie, Clermont Ferrand, 2005 ,2007
Lectures sous l’arbre, Le Chambon-sur-Lignon, 2001, 2005, 2007.
Colloque Pierre Dhainaut, La passion du précaire, sous la direction de Jean-Yves Masson et Aude
Préta de Beaufort, Université Paris-Sorbonne, Avril 2007.
Les parvis poétiques, Paris 2007
Livre à dire, Montivilliers, 2007
La voix des mots, Dijon, 2007
Voix d’aujourd’hui, Brest, 2008
(Alain Mabanckou ne saurait
décevoir)
« Cher Jimmy, le monde abonde désormais de ce type d’artistes à court d’idées, et il y a bien longtemps que la pitié du Nègre ne mobilise plus
l’altruisme. »
Lettre à Jimmy
Alain Mabanckou, coll. « rentrée littéraire » Fayard 2007
Oubliant un peu le métier de romancier célèbre, Alain Mabanckou prend le temps de peaufiner des essais et rubriques littéraires.
Début : « Alors que les mouettes désertent Santa Monica Strate
Beach et qu’au loin tangue une embarcation prise dans une vague, je suis envahi par ta présence comme à chaque fois que j’erre ici… »
L’ouvrage se termine à l’américaine, avec la liste des ouvrages consultés et des notes qui, au final, font référence aux pages de cet essai très peu universitaire.
La rencontre en question est celle, purement imaginaire avec James Baldwin, l’auteur de La prochaine fois, le feu - Gallimard
1962 et collection Folio -.
Fasciné par le regard de Baldwin sur une photographie, Alain Mabanckou se met à interroger l’écrivain (« l’ami américain ») et à lui demander le temps qu’il fait au paradis.
Commence alors la biographie de Jimmy, un déclassé de Harlem dès sa naissance en 1924, dans le New York de l’époque, un véritable apartheid nordiste. Pour détourner un poème reçu ce matin d’Umar Timol, le poète de Maurice, dans un « copier / coller « :
« étrange lucidité qui
parfois jaillit /
dont les éclairs / fissurent les épopées de l’obscurité »
Biographie poétique comme le Verlaine d’ardoise et de pluie
de Guy Goffette (Gallimard), l’ouvrage d’Alain Mabanckou explique la situation de ce bâtard de Jimmy dans un pays où les
Américains noirs défendaient la cause musulmane comme Malcolm X, ou des illuminés comme Marcus Gravey. Alain Mabanckou adopte une démarche d’empathie avec Baldwin, on peut dire de tendresse
devant ce fils de protestant intransigeant, doué au point d’écrire une pièce de théâtre dès neuf ans. La mentalité du père de Baldwin - un « monstre » à la maison -est parfaitement
reconstituée, avec un commentaire modéré à propos de ce père, plutôt malade mental..
L’adolescence de Baldwin est celle, incroyable, d’un prêcheur connaissant la Bible par coeur et soumis à la « fouille sur le corps », la castagne des flics racistes. Avant la
découverte de sa vocation : « Je veux être un honnête homme et un bon écrivain. »
On pense à l’exploitation de la misère par les escrocs habillés en curé – l’habit ne fait pas le moine - comme dans les romans de Chester Himas (« La reine des pommes », série noire).
Ce que Alain Mabanckou nous apprend, c’est que Baldwin était fiché, suivi par le FBI avant même la trentaine – et La prochaine fois, le feu – qu’il a approché Robert Kennedy avant son assassinat
– il est parfaitement au courant des racontars d’Alain Finkielfraut, une jambe en France, l’autre aux Usa, fournit des informations venues d’outre-atlantique tout en restant très francophone.
En littéraire (Université de Californie –Los Angelés), il ramasse les données dans les textes autobiographiques de Baldwin (démarche factuelle), prend le temps de les commenter,
de les restituer sans intellectualisme, et nous plonge, avec son sens romanesque, dans un portrait du Noir américain à tous les points de vue passionnant.
Entre autres jugements intéressants : « … l’idée d’une communauté noire de France est superficielle…
l’histoire des Noirs américains a un enracinement qui ne saurait être comparé à la présence des Noirs en France… »
« De l’autre côté, pour peu que tu jettes un regard sur la France, notre commun pays d’adoption, tu
t’étonneras de constater que tes propos, tes écrits gardent leur actualité. »
Livre lyrique et lucide, Lettre à Jimmy donne une éclairage unique sur la littérature, digne de Pierrre Dommergues, autrefois, spécialiste de la littérature américaine, qui
avait collecté des interviews des grands écrivains.
Au fond, la démarche d’Alain Mabanckou vise à nous faire lire l’œuvre de James Baldwin. De ce point de vue-là, aussi, c’est une réussite.
Christian Samson