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29 octobre 2011 6 29 /10 /octobre /2011 23:33

      cliquez sur la couverture

 

                                                               

Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane (éd. Denoël  2011).
 
                                          
 
Le monde selon Khadi Hane

«
Mes enfants… fils du peuple, ils s’enivreront sur les murailles de Bandiagara, là où Amadou Hampaté Bâ a laissé son empreinte. »
 
 
 
La narratrice est Khadija, évoluant dans le quartier  cosmopolite de Château-Rouge à Paris. Elle doit lutter bec et ongles pour nourrir ses quatre enfants. Le père de l’un d’eux est un blanc (Pierre Lenoir), un blanc, comme les autres…  volage et intéressé. Ce  qui expose l’héroïne  aux foudres de ses compatriotes, hommes, femmes,  autant de ceux vivant en France que  de ceux restés au Mali (traditionalistes et profiteurs).  La rumeur a vite fait de se propager à ses dépens.
 
Le lecteur se pose très vite la  question : Truculente et femme émancipée, Khadija parviendra-t-elle  à sortir de son impasse existentielle, dans un milieu où les valeurs humaines sont si peu respectées ?
Documentaire sur les tensions autour de la butte de Montmartre entre faux prophètes, commerçants, assistante sociale et plèbe de la Sonacotra.
 
 Louis Philippe Dalembert  poète et romancier avait traité le sujet dans Rue du faubourg St-Denis  (éditions Du rocher 2005), il avait choisi le regard d’un enfant. Mais le talent de Khadi Hane est bien différent de celui du plus parisien des Haïtiens d’Europe.
 La romancière a du mordant, répond aux injustices avec une verve, une ironie sournoise qui s’exerce sur tous (y compris sur son amant épisodique : « J’étais bien placée avec mes quatre autres gosses pour savoir qu’un homme dans ma vie  ne serait qu’un touriste sur une île, renonçant à s’y fixer à cause du mal de mer »).
 
Khadi Hane est économe de ses images et préfère la nostalgie du pays natal, l’observation juste, le rendu un peu vache de la saleté humaine : « Au milieu des couleurs, un point unique scintillait, une étoile oubliée. Sa lumière n’atteignait pas la terre. Je la contemplai toute la nuit, me demandant si là-haut était caché quelque chose ou quelqu’un pour s’amuser à mes dépens. »
Le passage rappelle les dernières pages du roman d’Honoré de Balzac, Le père Goriot,
Et à des nuances près, celui d’Albert Camus, La peste, où Tarrou et Rieu conversent sur une terrasse d’Oran, au moment où les habitants de la ville célèbrent la victoire sur l’épidémie.  Le ton, ici, est autrement plus pessimiste.  
 
Malick Fall et Sembene Ousmane sont les clés dans le trousseau de Khadi Hane.
 
Comme le disait excellemment Jacques Chevrier dans son Anthologie africaine (Hatier 1981), le souci des écrivains est de « créer un langage qui serait à la fois délivré du carcan des modèles occidentaux et plus proche du langage de l’oralité traditionnelle ».
 
 
 
 
Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane (éd. Denoël  2011).

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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 21:34

Pas d’abonné au paradis demandé

Jean Noël (librairie Le Neuf 2011 St Dié)
 
La librairie Le Neuf de St Dié a publié des textes d’une trentaine d’auteurs (Bernard Clavel, Albert Ronsin, Yves Berger) depuis 1972.
 Elle propose cette année un livre à partir du spectacle de Jean Noël qui s’est produit à la médiathèque de Saint-Dié des Vosges le 22 février 2011.
 
Jean Noël a été une figure joviale de mai 1968 à la faculté des lettres de Nancy  et le président  culturel du cercle des étudiants de Montbois. Moins ambitieux que François Cuchi, acteur qui a prématurément disparu de la scène parisienne, Jean Noël partage sa passion pour le théâtre, le métier de la scène en amateur, avec humour, un sens du calembour et de l’improvisation contrôlée.
J’aime son ouvrage au format de poche, couverture colorée, dépourvu d’une préface somptueuse. Jean Noël, bon vivant, peut se dispenser d’une oraison funèbre ; elle sera donnée plus tard, en temps opportun.
 
Il nous fait découvrir ses pages cocasses, ses saynètes, ses sketchs empruntés à la vie quotidienne, à son autobiographie en filigrane, son expérience d’employé de la poste ou de personnel au sol dans les aéroports.
 
Rien à voir avec le quai de Ouistreham de Florence Aubenas à propos du Pôle Emploi. Mais un plaisir simple d’employer la langue ; certains passages, notamment de rêverie exotique, sont des moments de bonheur, des captures d’écran (et d’imagination). Les pages à propos de monsieur Einstein relèvent, évidemment, de la parodie.
 
Jean Noël brasse indifféremment  les registres, il a ce qu’on peut appeler une « humeur carnavalesque », expression que j’emprunte à mes amis des éditions Aspect.
 
Extrait : « J’aime ça… Quand le soleil te chauffe un plein midi de juillet, au plus fort, tu l’accueilles, écrasé, t’oublies tout, tu ne sens que la lente pénétration en toi, tu t’étales, tu te déploies, tu es nu sous le soleil et seul et calme et merveilleusement oisif… La mer au loin s’accorde à ton silence… »
 
 
 
Christian Samson

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18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 22:12

 

Dans le cadre de ce Festival, une journée professionnelle, oraganisée par le C R L de Lorraine a réuni responsables de structures culturelles, notamment de bibliotèques et médiathèques autour de quelques invités de marque.

Un compte-rendu de la journée comme si vous y étiez (et nous y étions)

 

 

Le Festival du Film Arabe de Fameck (du 13 au 23 octobre)
   
Sur le théâtre du monde, le Festival du Film Arabe tient sa place depuis le 13 octobre.  Avec, pour cette année,  « un grand coup de projecteur » sur le cinéma palestinien. (cf le journal L’Estrade n° 15 d’octobre à propos de ce 22 ème Festival et du réalisateur Michel Kleifi comme figure de proue à Fameck).
 
 Pour la journée professionnelle du 14, octobre, les éditions Aspect ont répondu à l’invitation de Florence Gautier du Centre Régional du livre  de Lorraine et animatrice de la journée : « Poésie contemporaine : panorama, résidence d’auteur et médiation culturelle ».
 
Mme Martine Pringuet a proposé, après un café noir et des croissants à 10 heures,  un diaporama dynamisé pour la constitution d’un fonds de poésie. Tour à tour ont été présentés, dans un « photomaton » de la poésie francophone,  Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire enthousiaste devant les enregistrements de la voix et le magnétophone au début du XXe siècle … Isidore Izou, le pape du lettrisme, et plus contemporains : les poètes incontournables Yves Bonnefoy, Bernard Heidsieck et Christophe Tarkos. Et d'autres encore.
 
Mme Martine Pringuet a soumis son choix anthologique, dans lequel elle a retenu tout particulièrement « Le sac à dos, une anthologie de poésie francophone pour lecteurs en herbe » (éd. Le mot et le reste).
 
A
près une matinée bien remplie avec la visite de Jean Portante, Luxembourgeois (tenue sombre mettant en valeur son écharpe rouge), - auteur en résidence à la médiathèque de Florange -,  les invités  se sont rendus au couscous convivial, parfait, accompagné du thé mauresque peu sucré et très aimablement servi.
 
Jean Portant a déclaré : « Aucun médium ne change l’écriture… Le passage de la main à la machine à écrire  a installé pour toujours une distance. Tout le vingtième siècle, c’est la machine à écrire…  debout, assis, couché. Debout, Hemingway écrivait debout. La touche poubelle de l’ordinateur c’est ce qu’on appelle communément la poubelle à papier… On peut se servir de n’importe quelle technologie, tout dépend de ce qu’on en fait. Pour l’écrivain, la technologie ne change rien. Pour le lecteur, au contraire, ça change… »
 
Jean Portante a connu une première publication à travers la maison d’édition Caractère. Il est passé de la poésie au roman après un séjour de 3 ans à à Cuba, avant « Mourir à Differdange». Il a également écrit des essais, cet essai sur Ginsberg, vécu dans le Chelsea hôtel, l’hôtel des poètes, publié cinq pièces de théâtre et un « journal intime « d’Italie.
 
Prix Mallarmé, pour lui «l’échange langue c’est la langue baleine ». La baleine efface sa forme et en prend une autre… «  Petit à petit mon écriture est devenue une série d’effacements. J’ai pris l’habitude de mettre un mode d’emploi dans le livre…  La réinvention de l’oubli. Le tremblement de terre (de l’Aquila) a provoqué le tremblement de la langue. Qu’est-ce que la langue qui a tremblé, qui n’est plus que l’ombre de lui-même. L’oubli est la plus parfaite des mémoires. La mémoire est faite de mots. Le mot n’est pas une chose. La mémoire efface ce qui s’est passé. Les fresques disparaissent, elles sont effacées dans l’oubli par la lumière. »
 
L’après-midi a constitué le morceau de bravoure avec M. Jean-Charles Depaule, traducteur, chercheur au CNRS et revuiste surun sujetparticulièrement intéressant : la poésie arabe contemporaine.
 
Expatrié pendant des années au Caire, M. Depaule était le plus compétent pour évoquer  les problèmes linguistiques, l’importance de l’arabe classique, l’évolution de la poésie arabe depuis le VIII e siècle, avant sa renaissance aux XIXe et XXe siècles.
 
Les poètes palestiniens contemporains en utilisant l’arabe véhiculaire se sont débarrassés du carcan formel de la tradition littéraire. Considérés par beaucoup comme sulfureux, ils embrassent une cause militante, parfois à leurs risques et périls (on pourrait dire : souvent).
 
M. Depaule a lu et commenté les écrivains de la révolution du poème en prose,  « le poème prosé »,  et défendu en tant que traducteur et  poète lui-même,  Ghassan Zaqtan, anthologiste bilingue, représentant la génération des auteurs nés dans les années 1950 qui, par leur contenu et leur rythmique, renouvellent la thématique d’un patrimoine culturel injustement méconnu (voir le catalogue de la collection Sindbad, et celui du Castor Astral).
 
Vers dix-sept heures, l’assemblée s’est rendue dans la salle de cinéma de la ville voisine où était projeté le film de Michel Kleifi,
Zindeeq, tourné en 2009. Michel Kleifi est le cinéaste palestinien palmé à Cannes pour Noce en Galilée(prix de la critique internationale en 1987).
 
Monde dérisoire entre fourmis israéliennes et palestiniennes,entre blattes et cafards, cafards et blattes, entre Ramallah et Nazarée…
 
Fameck, pendant dix jours chaque année, c’est un point allumé dans l’immensité du monde. Un petit village à la façon de celui d' Astérix - le baba khôl - qui se gratterait d’abord le nombril avant d’entamer la danse du ventre.
 
Alain Gnemmi

 

Nos remerciements pour l'accuiel à toute l'équipe du Festival, et notamment au personnel de cuisine et de la salle à manger.

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18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 11:16

 

Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane (éd. Denoël  2011).
 
                                                                                                 
                                                                       
Le monde selon Khadi Hane

«
Mes enfants… fils du peuple, ils s’enivreront sur les murailles de Bandiagara, là où Amadou Hampaté Bâ a laissé son empreinte. »
 

                                             
                                                                  
 
La narratrice est Khadija, évoluant dans le quartier  cosmopolite de Château-Rouge à Paris. Elle doit lutter bec et ongles pour nourrir ses quatre enfants. Le père de l’un d’eux est un blanc (Pierre Lenoir), un blanc, comme les autres…  volage et intéressé. Ce  qui expose l’héroïne  aux foudres de ses compatriotes, hommes, femmes,  autant de ceux vivant en France que  de ceux restés au Mali (traditionalistes et profiteurs).  La rumeur a vite fait de se propager à ses dépens.
 
Le lecteur se pose très vite la  question : Truculente et femme émancipée, Khadija parviendra-t-elle  à sortir de son impasse existentielle, dans un milieu où les valeurs humaines sont si peu respectées ?
Documentaire sur les tensions autour de la butte de Montmartre entre faux prophètes, commerçants, assistante sociale et plèbe de la Sonacotra.
 
 Louis Philippe Dalembert  poète et romancier avait traité le sujet dans Rue du faubourg St-Denis  (éditions Du rocher 2005), il avait choisi le regard d’un enfant. Mais le talent de Khadi Hane est bien différent de celui du plus parisien des Haïtiens d’Europe.
 La romancière a du mordant, répond aux injustices avec une verve, une ironie sournoise qui s’exerce sur tous (y compris sur son amant épisodique : « J’étais bien placée avec mes quatre autres gosses pour savoir qu’un homme dans ma vie  ne serait qu’un touriste sur une île, renonçant à s’y fixer à cause du mal de mer »).
 
Khadi Hane est économe de ses images et préfère la nostalgie du pays natal, l’observation juste, le rendu un peu vache de la saleté humaine : « Au milieu des couleurs, un point unique scintillait, une étoile oubliée. Sa lumière n’atteignait pas la terre. Je la contemplai toute la nuit, me demandant si là-haut était caché quelque chose ou quelqu’un pour s’amuser à mes dépens. »
Le passage rappelle les dernières pages du roman d’Honoré de Balzac, Le père Goriot,
Et à des nuances près, celui d’Albert Camus, La peste, où Tarrou et Rieu conversent sur une terrasse d’Oran, au moment où les habitants de la ville célèbrent la victoire sur l’épidémie.  Le ton, ici, est autrement plus pessimiste.  
 
Malick Fall et Sembene Ousmane sont les clés dans le trousseau de Khadi Hane.
 
Comme le disait excellemment Jacques Chevrier dans son Anthologie africaine (Hatier 1981), le souci des écrivains est de « créer un langage qui serait à la fois délivré du carcan des modèles occidentaux et plus proche du langage de l’oralité traditionnelle ».
 
 
Khadi Hane. Un prénom à retenir, Khadi. A ne pas confondre avec « caddie » à 6 roues rangée devant les supermarchés.
 
 
Christian Samson
 
 
Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane (éd. Denoël  2011).
 

 

 

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18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 11:13

 

La fuite
Roman de Myriam Montoya, traduit de l’espagnol (Colombie), éd. La dragonne 2011.
       

 

                                                       


                    Les premières pages, extrêmement  brillantes, mettent  la narratrice en situation d’initiée au monde et à la misère des adultes, en compagnie de sa grand-mère adoratrice du sexe des hommes. Le roman culbute les préjugés de la maternité et la pesanteur représentée par la famille.
 
Début :
« Il y a des trajets qui changent la direction de l’existence d’un homme. Traverser un pont, une rue, une ville, une montagne peut signifier franchir l’univers ou le mystère de la mort… »
 
L’action se passe dans les quartiers de Medellin, au moment de la guerre civile ; et chacun doit en prendre son parti, même  si les problèmes de  parenté et de jalousie, reléguant l’engagement révolutionnaire au second plan, paraissent plus essentiels.
 
Poète, l’auteure dresse le portrait d’une femme extraordinaire, celui de  Omerai, mariée, abusée ensuite par Nicolas, un macho séducteur et coureur de jeunes filles :

« Toutes ces filles qui se peignaient les cheveux avec soin, se mettaient du mascara, du rouge à lèvres et du parfum bon marché après la douche… Toutes ces filles qui même ainsi, cela ne faisait aucun doute ni à ceux de Nicolas, demeuraient belles dans la précarité
. » (p 112)

L’apprentissage sexuel du personnage masculin, simple manutentionnaire, obligé de subvenir aux besoins d’Omerai et de son fils,  donnera lieu à de douces pages érotiques.
 
En découvrant le titre on se demande de quelle fuite il s’agit. Qui fuit ?  Et,  quoi ?
 
Myriam Montoya y répond à travers une sorte de chronique familiale, à travers ses personnages et des scènes à la fois colorées et désespérantes. Le dépaysement  de la fiction renvoie le lecteur à sa tendresse et à son propre pessimisme. On peut se perdre au début dans les prénoms et les liens de parenté, on s’en accommode séduit par l’atmosphère et le talent prometteur, par moments virtuose, de la jeune romancière qui a longtemps porté ce roman.
 
Christian Samson
 
Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane (éd. Denoël  2011).
 

 
Le monde selon Khadi Hane

«
Mes enfants… fils du peuple, ils s’enivreront sur les murailles de Bandiagara, là où Amadou Hampaté Bâ a laissé son empreinte. »
 
 
 
La narratrice est Khadija, évoluant dans le quartier  cosmopolite de Château-Rouge à Paris. Elle doit lutter bec et ongles pour nourrir ses quatre enfants. Le père de l’un d’eux est un blanc (Pierre Lenoir), un blanc, comme les autres…  volage et intéressé. Ce  qui expose l’héroïne  aux foudres de ses compatriotes, hommes, femmes,  autant de ceux vivant en France que  de ceux restés au Mali (traditionalistes et profiteurs).  La rumeur a vite fait de se propager à ses dépens.
 
Le lecteur se pose très vite la  question : Truculente et femme émancipée, Khadija parviendra-t-elle  à sortir de son impasse existentielle, dans un milieu où les valeurs humaines sont si peu respectées ?
Documentaire sur les tensions autour de la butte de Montmartre entre faux prophètes, commerçants, assistante sociale et plèbe de la Sonacotra.
 
 Louis Philippe Dalembert  poète et romancier avait traité le sujet dans Rue du faubourg St-Denis  (éditions Du rocher 2005), il avait choisi le regard d’un enfant. Mais le talent de Khadi Hane est bien différent de celui du plus parisien des Haïtiens d’Europe.
 La romancière a du mordant, répond aux injustices avec une verve, une ironie sournoise qui s’exerce sur tous (y compris sur son amant épisodique : « J’étais bien placée avec mes quatre autres gosses pour savoir qu’un homme dans ma vie  ne serait qu’un touriste sur une île, renonçant à s’y fixer à cause du mal de mer »).
 
Khadi Hane est économe de ses images et préfère la nostalgie du pays natal, l’observation juste, le rendu un peu vache de la saleté humaine : « Au milieu des couleurs, un point unique scintillait, une étoile oubliée. Sa lumière n’atteignait pas la terre. Je la contemplai toute la nuit, me demandant si là-haut était caché quelque chose ou quelqu’un pour s’amuser à mes dépens. »
Le passage rappelle les dernières pages du roman d’Honoré de Balzac, Le père Goriot,
Et à des nuances près, celui d’Albert Camus, La peste, où Tarrou et Rieu conversent sur une terrasse d’Oran, au moment où les habitants de la ville célèbrent la victoire sur l’épidémie.  Le ton, ici, est autrement plus pessimiste.  
 
Malick Fall et Sembene Ousmane sont les clés dans le trousseau de Khadi Hane.
 
Comme le disait excellemment Jacques Chevrier dans son Anthologie africaine (Hatier 1981), le souci des écrivains est de « créer un langage qui serait à la fois délivré du carcan des modèles occidentaux et plus proche du langage de l’oralité traditionnelle ».
 
 
Khadi Hane. Un prénom à retenir, Khadi. A ne pas confondre avec « caddie » à 6 roues rangée devant les supermarchés.
 
 
Christian Samson

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13 octobre 2011 4 13 /10 /octobre /2011 09:30

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            Poèmes à dire : La Francophonie : 38 poètes contemporains                     

 

Poèmes à dire la francophonie, Nicole Brossard,  Le castor astral 2002


 
L’anthologie est la meilleure porte d’entrée dans la poésie contemporaine. Evidemment, elle ne dispense pas de lire une recueil complet dès que l’occasion se présente : « le poème n’en reste pas moins un espace dans lequel chacun ajoute à son plaisir, soustrait quelques peurs, s’aventure à revoir les couloirs secrets de l’enfance… »
 
L’anthologie de Nicole Brossard, bien que datée de 2002, demeure un témoin pertinent de la richesse poétique  et de l’émulation francophone. Elle amène au dépassement des académiciens (Yves Bonnefoy, Jacques Roubaud, omniprésents dans les publications parisiennes, cités partout, par ignorance, mépris de ce qui s’écrit dans notre langue après Malberbe).
 
La préface  très précise à propres des « petites clés » nécessaires dans l’existence présente trente cinq poètes (environ). Certains noms sont des « classiques de la francophonie » (Savitzkaya, Utam’si, Claude Beausoleil). D’autres, révélateurs  si bien qu’il serait inexact de conclure expéditivement au déclin de l’invention poétique, terrassée par le roman, le cinéma, les médias idiots, les politologues, les postfreudiens, les résistants humanistes - Stéphane Hessel -.
Il est temps de lire Herménégilde Chiasson, Denise Desautels,, Aldellatif Laâbi, Ariane Dreyfus.
Utam’si est le grand poète congolais (1931-1989), auteur de Feu de brousse , et romancier, un des aînés de la poésie africaine contemporaine. Nicole Brossard éclaire un aspect peu connu d’Eugène Savitzkaya, aux yeux de beaucoup avant tout romancier. Le poème d’Herménégilde Chiasson « Amériques », un hymne amer,  construit et enthousiasmant, impose déjà une œuvre malheureusement inaccessible rue Gay-Lussac en France où les éditeurs récidivent et publient n’importe quel brouillon de Bonnefoy et  Roubaud, les Zemmour et Naulleau post-surréalistes, et  d’autres Marx Brothers du Parnasse,.
Denise Desautels est venue en Lorraine pour le Printemps des poètes en 2011 : «…. Ma langue caresse ton bruit, caresse ta marche, ton frémissement, ton feu, longe ta falaise, la dévale, inconsolable, se creuse, gouffre… ». Mitraille impressionniste de mots et de maux difficiles à cautériser. Comme Denise Destautels le chuchote, « toute phrase est injuste/ parce qu’elle nous contourne ».
 Dans ce collage de citations, Ariane Dreyfus apporte son image désormais célèbre : « Comme une femme se glisse sous un homme / Je lis votre écriture / Ou c’est alors moi qui écris couchée ».
Les courtes biographies et la bibliographie des poètes permettent de retourner les pages de l’anthologie et de découvrir des œuvres discrètes, où les raccourcis percutants questionnent le lecteur et l’invitent à entrer dans un imaginaire différent du sien :  « Un vaisseau traverse la peur / Naturellement / il préfère aux prophètes / tous ceux qui n’ont rien dit / l’oiseau n’est que géométrie… Dans l’inimportance d’une vie, / un homme fracasse la géométrie. /Poliment. /  - Fracasser poliment / la géométrie euclidienne ?
Vivre un quiproquo impérial.
New York
Est un dessin d’enfant
Qui menace

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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 22:15

noname.jpg

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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 21:35

 

Simone Cukier est rompue à la lecture publique avec les membres de l’association Yvan Goll de St Dié, aussi connaît-elle l’importance d’un titre, du premiers vers d’un poème, Le public, immédiatement, est impatient, tiède, indifférent. C’est au poème le moment de passer l’épreuve de la mise en bouche, à son interprète le moment de se placer en retrait, de  servir le poète, de transmettre l’espace mouvant des mots et des images où le spectateur va évoluer dans « un formidable amour de la vie ». Cela demande au récitant un certain éthos…

 

eclatements-cukier.JPG 

 
   Dans
Eclatements,son premier recueil, on entend la voix de Simone Cukier à travers « Angoulème » (ville liée à son biographème) ou « Prémonition devant « Marylin Monroë » d’Andy Wharhol » (star à l’opposé de l’auteur). Aucune trace, apparemment des Vosges où le poète vit aujourd’hui.
Les poèmes condensés, voire minimalistes, se dérobent à la mise en page : tantôt en strophes, tantôt présentés en bloc, chacun d’eux est dialogique : des voix se répondent, cascadent ou s’interrompent. Simone Cukier se veut interprète et porte parole des voix intérieures qui l’habitent et auxquelles, souvent, elle sert de modérateur, en les laissant parler : «
c’est le printemps/ et tu ne le vois pas…Où est la petite fille / aux cheveux blonds… / dont le visage s’appuie à ta tête… ?».
 L’impudeur du recueil consiste à reconstituer les sensations olfactives au contact des fleurs caressées qui ont aussi leur chair et leur intimité : magnolia « poignard », et de la terre, où se réfugie la femme avec la lumière, le ciel et les couleurs.
Les poèmes, par hasard, servent aussi de commentaires aux tableaux de Michèle Franck, environ vingt tableaux reproduits, embrassés dans les pages.
 
Simone Cukier est amateur des peintres (Wharhol, Zao Wou-Ki). Elle a parfois des ambitions folles de raconter toute la peinture et les possibilités de la couleur, c’est-à-dire de la lumière maitrisée ; il suffit de lire «  Gris à s’en défaire » et surtout « Une histoire de rouge » dont la progression va de l’éloge à une vision cosmologique et (non pas, prométhéenne) mais sensuelle de l’univers. La musicalité du texte pose les seuils du chant adressé à la peinture et aux « Magie blanche » et «  Flambée » de Michèle Frank.
 
Le ton de certains poèmes rappellent Henri Michaux (« Je vous écris de l’imaginaire, de l’au-delà de ce que je suis »),  Guillevic (« l’œil derrière la vitre « ) ou les haïkus, tombés (comme des tableautins), redressés, remis debout. Rien de plus naturel chez cette femme, passeur de poètes francophones, et obligée de les mémoriser avant de les restituer pour la grande joie du public (jusqu’en Louisiane).
Eclectique comme la plupart des membres de l’association Yvan Goll,  Simone Cukier devrait poursuivre ses travaux, nous proposer d’autres recueils, nous permettre de choisir parmi un plus grand nombre de poèmes. A nous qui sommes, par défi générationnel, rivés à nos ordinateurs, bien décidés à faire entendre, la richesse de l’invention francophone.

 

Eclatements de Simone Cukier avec 22 reproductions des tableaux  de Michèle Frank

chez l'auteur

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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 20:50

 

Dimanche 9 septembre.
 
Le festival de géographie ferme ses portes aujourd’hui, au grand regret de la population autochtone. Il  a mobilisé pendant trois – voire quatre -  jours des spécialistes du monde francophone, géographes, spécialistes de l’édition,  écrivains, danseurs et musiciens.
 
Divine surprise : dans le hall de la mairie, vers quatorze heures, miss Togo se prête à des séances de pose, puis se retranche pour jouer avec son portable sur un banc. Le bâtiment officiel grouille en hôtesses d’accueil, en admirateurs de Pierre Pelot très à l’aise devant une assemblée très compacte au premier étage. Les questions qu’on lui pose sont précises et consensuelles. Le Vosgien y répond volontiers, il est dans son élément ;  il évolue ici comme un poisson rouge dans son bocal. De toute évidence, l’écrivain inépuisable aime aussi  raconter de vive voix, malgré sa grande modestie.
 
 Au cours de ces quatre journées, le Fig a proposé d’innombrables conférences, expositions, manifestations. On peut retenir les propos de Jean Michel Marche revenant sur les  réalisations et projets francophones de la revue Carnavalesques. Et les circonstances de la publication de
Mémoires d’un jeune Toucouleurpubliés après transmission par messagerie, puis lancement de l’ouvrage en présence de son auteur  Demba Hassane Sy (90 ans)  à Podor, ancien comptoir sur le fleuve Sénégal où il avait accueilli ses éditeurs en  avril 2010.
 
 JMM a souligné le charme de la ville de Podor où, autrefois, les premiers élèves de la classe de CM2 étaient récompensés par un baptême de l’air en hydravion. Petite ville à l’est de Saint-Louis du Sénégal, Podor vaut le détour, bien qu’ignorée par les touristes et routards.
 
Les débats se sont poursuivis sur la place Jules Ferry  avec la performance du ballet national du Rwanda, ses danseuses et percussionnistes très spectaculaires qui ont entrainé les enfants et les Déodatiennes dans une fête communicative et spontanée. Un régal pour les photographes amateurs.


DSCN3178.jpg 
Bilan : Les libraires et éditeurs installés  ont regretté leurs anciens stands près du grand marché. On a pu voir que les éditeurs de jeunesse ne bénéficiaient pas  de l’éclairage suffisant sous leur chapiteau. Le « Parcours géographique du goût » a attiré beaucoup de monde, le belvédère également.
Pour plus de détails, les curieux peuvent se rendre sur le site www.saint-die.eu <http://www.saint-die.eu> , pour  Alain Mabanckou, fan de Georges Brassens,  et la présentation de son dernier roman( qui existe en version C.D lue par l'auteur)
 
Le festival international de géographie reste la dernière agora littéraire de l’automne après Le livre sur la place de Nancy.
 
 
Christian Samson

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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 20:35

 

Dictionnaire francophone de poche, Khal Torabully
Ed. la passe du vent (2006)
 

Le touriste qui débarque à Montréal connaît surtout le dépaysement de l’accent québécois à couper au couteau. Il lui faut une semaine pour s’habituer au parler comique de ses cousins d’Amérique. Quand le « métro » étend sa serviette de bain sur la plage de Gosier, il savoure aussi l’accent méridional des automobilstes du vendredi soir parfois agressifs sur la chaussée. On ne peut comprendre « la rugaille «  et le roman de Jean Luc Raharimanana Za * , si on ne s’est pas promené comme JMM et Danièle aux abords du Rova d’Antananarivo ou de Tamatave.
Les expressions collectées par Khal Torabully  dans son petit ouvrage peu onéreux complètent celles trouvées dans le Guide du routard et l’enrichissent, en les « recontextualisant » (si j’ose dire ), : elles sont indispensables pour qui veut entrer en contact sur le terrain, sitôt descendu à pôle Caraïbes. Sans elles, le lecteur passe à côté de la puissance langagière d’Ahmadou Kourouma dans Les soleils des indépendances.
Certes Kourouma est inventif. Mais il est inventif comme un Malinké. Comme Hamadou Hampaté Ba est inventif parce qu’il parle à travers Wangrin.
Le pittoresque d’un pays de rêve subsiste grâce à l’exotisme linguistique qui donne toute sa saveur au bonheur de voyager (à voile ou à vapeur)  dans la francophonie.  Maintenant que la gastronomie locale est accessible dans n’importe quel passage d’un quartier parisien – voire, en province,  dans un restaurant camerounais de Sarreguemines -, seule reste authentique et raffinée la néologie des « langues hardies et inventives » de la francophonie. On peut prôner « la gastronomie littéraire ».
Khal Torabully prend soin de préciser : «  ce dictionnaire … ne peut prétendre à l’exhaustivité.  Il donne cependant envie de prendre langue, de mettre les «  mots francophones en bouche avec leurs étonnantes finesse, piquances et résonances. ». De participer à la grande parlerie, la grande rabelaisie francophone.
  
Dans les abréviations, on retient Centraf. Pour Centrafrique. Le coopérant installé à Bangui  savait que Bic désigne un stylo à bille, mais ignore souvent  que le petit-nègre de son interlocuteur pourrait être qualifié simplement de « faux français ». L’expression « parler petit nègre, équivalente à parler « le chiaque », on le sait, se rencontre  pour la première fois dans le journal des frères Goncourt.
 
Il est facile de décrypter « voir la lune ». Centraf. L’image « radio-trottoir » correspond à celle du » patapata » de Guyane ou du « téléphone arabe ».. Grâce au travail unique de Khal Torabully, le curieux apprend  ce que sont des « gibars » en Acadie. L’incontournable verbe « gérer »  employé partout, en ce moment,  a un sens tout différent quand on entreprend de traîner sur la lagune à Saint-Louis du Sénégal ou à Gorée (où souvent les trouristes échouent dans la « Maison des esclaves » et en photographient la porte).
Le dictionnaire de Khal Torabully peut être  commenté et prêté mais à condition qu’il soit rendu à son acheteur. C’est un petit Larousse où les pages roses seraient des pages bleues.
Les pages blanches du Carnet de route « mouvoir des mots » invitent à une réédition participative, aux côtés de   Hanna et de Tanella Boni et de la francofffonie. Il faut imaginer un arbre du voyageur où seraient accrochées, comme à un sapin de Noël, des exemplaires du dictionnaire de Khal.

 

* Si, on peut (note de JMM)Mieux : il faut absolument lire ZA, un roman majeur de la littérature française actuelle

 

Genre : Romans et nouvelles - français
Editeur : Philippe Rey, Paris, France
Auteur : Jean-Luc Raharimanana

Prix : 19.00 € / 124.63 F
ISBN : 978-2-84876-105-3


 

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